Sébastien roux sur Le virus politique ou la revanche survivaliste

10 avril 2020

Depuis la fin des années 1990, le mouvement « survivaliste » (ou prepper) connaît un succès croissant aux États-Unis. Inquiets d’une possible catastrophe, d’un accident nucléaire, d’un tremblement de terre, d’une nouvelle guerre civile ou d’une invasion migratoire, les preppers Américains défendent la « préparation » comme mode de vie. Longtemps moqués et caricaturés, ils voient dans la crise du coronavirus la confirmation de leurs inquiétudes ; le monde est faible, la vie précaire, le voisin dangereux. Or, si la catastrophe reste potentiellement destructrice, elle leur est aussi utile. Elle met en valeur les compétences et les savoirs qu’ils ont minutieusement acquis (techniques de survie, autosuffisance alimentaire et énergétique, connaissances médicales, etc.) Elle confirme, aussi (pour eux), à quel point la « dégénérescence » libérale serait un danger moral et une menace vitale. Ils ont eu raison, disent-ils, de promouvoir des valeurs viriles, blanches, violentes, et la défense d’une « vraie Américanité » dont ils se pensent les gardiens ; ce sont elles qui les sauveront. Ainsi, observer le mouvement prepper durant la pandémie, c’est d’abord prendre au sérieux les utopies pratiques, leur signification et la diversité des ajustements et des réactions aux temps de crise. Mais c’est aussi, à partir d’un cas-limite, saisir les enjeux politiques, moraux et sociaux des réorganisations à venir qui feront les « mondes d’après ».